lundi 29 décembre 2008

Victor Hugo : allégorie politique et poétique

Extrait du poème "Au peuple" dans "Les Châtiments" :

Paris sanglant, au clair de lune,
Rêve sur la fosse commune ;
Gloire au général Trestaillon !
Plus de presse, plus de tribune.
Quatrevingt-neuf porte un bâillon.
La Révolution, terrible à qui la touche,
Est couchée à terre ! un Cartouche
Peut ce qu'aucun titan ne put.
Escobar rit d'un rire oblique.
On voit traîner sur toi, géante République,
Tous les sabres de Lilliput.

Le juge, marchand en simarre,
Vend la loi... -
Lazare ! Lazare ! Lazare !
Lève-toi !

Sur Milan, sur Vienne punie,
Sur Rome étranglée et bénie,
Sur Pesth, torturé sans répit,
La vieille louve Tyrannie,
Fauve et joyeuse, s'accroupit.
Elle rit ; son repaire est orné d'amulettes
Elle marche sur des squelettes
De la Vistule au Tanaro ;
Elle a ses petits qu'elle couve.
Qui la nourrit ? qui porte à manger à la louve ?
C'est l'évêque, c'est le bourreau.
Qui s'allaite à son flanc barbare ?
C'est le roi... -
Lazare ! Lazare ! Lazare !
Lève-toi !

Fioles du lait de la Vierge

Calvin dans son "Traité des reliques" disait : « Il n’y a si petite villette ni si méchant couvent, soit de moines, soit de nonnains, où l’on ne montre du lait de la sainte Vierge, les uns plus , les autres moins. Tant y a que si la sainte Vierge eût été une vache, ou qu’elle eût été nourrice toute sa vie, à grand peine en eût-elle pu rendre une si grande quantité »
Mais le culte du saint Lait était (est ?) bien répandu au 19ième siècle d'après Collin de Plancy dans son le Dictionnaire des reliques et des images religieuses:
Il existes des fioles du lait de la vierge à Gênes (guérit les maux de seins), à Saint Nicolas in carcere , à Sainte Marie in campitelli, Sainte Marie du Peuple, et Saint Alexis, églises de Rome, à Saint Marc de Venise pour les nourrices qui en demandent, chez les célestins d’Avignon, dans l’église Saint Antoine de Padoue, à Aix en Provence, dans la cathédrale de Toulon, à Berre en Provence, Chelles, à la sainte chapelle à Paris, à Guimaranès au Portugal, à Evron dans le Maine, à Saint Louis de Naples qui devenait liquide aux fêtes de la sainte Vierge et qui était caillé le reste de l’année.
On vénérait à Chartres une fiole du lait de la Vierge recueilli en Judée pendant qu’elle allaitait l’Enfant-Jésus et un autre vase de lait encore plus miraculeux ramassé sur les joues de saint Fulbert.

Grotte du lait de la vierge

... Attention, messieurs....
Les pèlerins visitent à deux cents pas de Bethléem une grotte où la sainte Vierge se cacha quelques instants, pendant que saint Joseph allait acheter en ville des provisions pour le voyage en Egypte. On raconte, qu’en attendant son époux, Marie donna à téter à l’enfant Jésus, et que quelques gouttes de son lait tombèrent sur un petit rocher qui s’amollit. Depuis ce temps, les nourrices qui manquent de lait vont à la grotte, raclent un peu de poudre du rocher qui est devenu tout blanc, la boivent dans du vin ou du bouillon, et sentent aussitôt leurs mamelles se remplir. Les femmes turques mêmes recourent à ce remède miraculeux ; et l’on assure que si un homme avait l’imprudence de boire quelque peu de cette poussière du rocher de la Vierge, il lui pousserait incontinent des tétons pleins de lait.
D’après les récits de voyage des trois moines en Terre Sainte au 18ième siècle, recopié du Dictionnaire critique des reliques et des images religieuses écrit au 19 ième siècle par Collin de Plancy.
En 2008 il semblerait que la grotte du lait ait gardé son attraction. Une nouvelle chapelle a été construite au dessus.

Saint Fulbert de Chartres 960-1029

Dans une maladie très grave, Marie fit couler sur ses lèvres un baume céleste et le mal disparut.
C'est ce qui est dit sur le portail catholique francophone au sujet de saint Fulbert.
Dans le Dictionnaire critique des reliques et des images miraculeuses de Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy on trouve une version moins édulcorée du miracle :
On vénérait à Chartres une fiole du lait de la Vierge recueilli en Judée pendant qu’elle allaitait l’Enfant-Jésus.
Mais on avait dans cette ville, un autre vase de lait plus miraculeux. On conte que Fulbert , quarante-quatrième évêque de Chartres, ayant dans le palais un feu incurable qui lui brûlait la langue, la sainte Vierge lui apparût, lui commanda d’ouvrir la bouche, et y fit jaillir de ses mamelles qu’elle pressa de ses doigts sacrés une ondée de lait excellent, qui éteignit soudain le feu de sa langue et la rendit plus saine que jamais. On ramassa sur les joues de Fulbert plusieurs gouttes de ce lait sacré, que l’on conserva dans une fiole, au trésor de Chartres, et qui fit bien des prodiges de guérison en faveur des femmes qui avaient le sein malade. Il est vrai qu’on n’a pas vu ces prodiges.
Sous Notre Dame de Chartres, il y a la crypte Saint Fulbert dans laquelle s'ouvre un puits de 33 mètre dont l'eau serait miraculeuse et une chapelle "Notre Dame sous terre". La cathédrale possède aussi un voile de la Vierge autrement appelé chemise de la Vierge. Il a été expertisé et serait en soie du 1er siècle de notre ère. Fulbert de Chartres, considéré comme un évêque humaniste, était aussi un savant, un diplomate et un musicien. On dit qu'il a mis ses dons musicaux au service la liturgie mariale... Juste un tout petit peu plus tôt que Bernard de Clairveaux. Voir aussi les tableaux représentant saint Bernard à Gênes ou celui de Rubens représentant saint Augustin, la Vierge et le Christ.

samedi 6 décembre 2008

Deux St Bernard de Clairvaux à Gênes

En épluchant le guide des arts "Les saints" de Rosa Giorgi (Hazan 2003) j'ai à nouveau croisé St Bernard de Clairvaux en train de boire... le sang du Christ ! C'est un tableau qu'on peut voir dans une église de Gênes, semble-t-il. Il est de Giovanni Benedetto Castiglione dit Il Grechetto (15ième siècle)... Je n'ai pas retrouvé de meilleure reproduction de ce tableau où le Christ presse une plaie sur sa poitrine juste en dessous de son téton et fait gicler le sang dans la bouche de St Bernard...
A Gênes toujours il y a dans l'église San Giacomo, un St Bernard en extase au pied de la Vierge qui tient son sein, ce qui est beaucoup plus ordinaire... Pour voir de vraies giclées de lait dans la bouche de St Bernard consulter le précédent article sur le sujet mais aussi la page jubilatoire de Monsieur J.C Bourdais Pour réserver l'hôtel ou le train pour Gênes, vous n'êtes pas à la bonne adresse... Attention tout de même si vous prennez le train, car dans le dernier wagon...

jeudi 4 décembre 2008

Une charité contemporaine


Ce croquis nous a été envoyé par mail, par Nicolas Doucedame...

Maintenant nous attendons que quelqu'un nous croque la mère allaitée en prison par sa fille comme dans la version écrite par Valère Maxime !

lundi 10 novembre 2008

Les Valseuses

Je recherche un extrait du roman ( de Bertrand Blier, 1972) qui a servi de scénario pour le film éponyme (1974) mis en scène par ce même Bertrand Blier... Ce qui m'intéresse, bien sûr, c'est la scène où l'un des héros ( joué par Patrick Dewaere) tête une jeune femme (jouée par Brigitte Fossey) rencontrée dans le train. L'auteur a dû lire "Idylle" de Maupassant !
Je n'ai pas vu le film... le texte des dialogues m'intéresserait aussi.

jeudi 16 octobre 2008

Légende des bords du fleuve Niger

Voici un extrait de cette légende qui raconte la naissance de Ségou, la ville des karités et des accacias, sur le bord du fleuve Niger:
... Un peu plus tard quand la première épouse du chef de son village tomba malade, il proposa de la guérir. Elle était presque morte... Il joua de son ngoni (instrument de musique à cordes) au moment où la paupière de la nuit se refermait sur la terre. Alors, maman lune apparut, ronde comme un oeuf d'autruche, pleine comme un sein gonflé de lait. Elle descendit au milieu du ciel et vint donner la tétée à la pauvre épouse qui guérit aussitôt. De ce moment le garçon devint un homme important, respecté tout autant qu'un grand initié...

J'ai trouvé cette légende dans "365 contes en ville" de Muriel Bloch, mais elle est, au départ, tiré du recueil " Contes et légendes d'Afrique d'ouest en est" d'Yves Pinguelly.
On n'est pas si loin de la peinture de Frida Kahlo !

mercredi 10 septembre 2008

Ogresse berbère

Dans un conte N'tifa du Maroc (Georges Oucif et Abdellah Khallouk), "le chat enrichi", contrairement aux autres contes du Maghreb que j'ai cités par ailleurs, boire le lait de l'ogresse ne protège pas , au contraire... Certes, dans ce conte, les buveurs de lait sont encore des enfants mais c'est l'inversion des relations crées par l'allaitement qui m'intéresse
Voici un résumé du conte
Il y a un homme avec 3 enfants, une fille et deux garçon, dont le plus jeune qu'on nomme Simplet, et la marâtre. Comme dans "le petit poucet", le père, à 2 reprises, essaie de les perdre dans la forêt. La 2ième fois comme Simplet a mangé les graines que sa soeur avait semé, ils ne retrouvent pas leur chemin et arrivent chez l'ogresse. La soeur, avec habileté, vole un pain à l'ogresse. Simplet veut faire pareil mais il les fait découvrir. L'ogresse leur propose d'être ses enfants et, faisant mine de traire sa chèvre, trait ses propres seins "en disant : patiente, ma belle noire ! patiente ma belle blanche ! Avec ce lait, elle prépara une bouillie tout en se disant et en se répétant que dès qu'ils auraient tout mangé, grâce au lait, ils seraient retenus chez elle et ne pourraient plus s'enfuir"
Mais la fille et l'aîné se méfient et rusent pour ne pas manger la bouillie... Simplet, lui finit sa part. Toujours grâce à la ruse de la fille, les 3 enfants réussissent à s'enfuir... mais Simplet s'essouffle, se fait prendre et sert de repas au banquet que l'ogresse organise pour sa famille. Et l'histoire continue sans lui... Les autres deviennent adultes...

dimanche 17 août 2008

Saint Gilles nourri par une biche

Peut-être s'éloigne-t-on du sujet ? Pas sûr !
Voici un petit résumé (donc une interprétation) des légendes que j'ai lues sur Saint Gilles avec des extraits de documents choisis... Pour une autre représentation du saint on peut aussi se reporter au Tryptique Moreel par Memling à Bruges où il est représenté avec un autre bénédictin (Saint Maur)entourant St Christophe (pour ceux qui connaissent le blog du Réprouvé, c'est un joli clin d'oeil)
Gilles serait né en Grèce (au 8ième siècle)de sang royal, mais dès son arrivée en Provence il s'est fait remarquer en faisant des miracles (apaiser les tempêtes, ressusciter les mourants...) Comme cela attirait trop de monde à son goût il a décidé de se faire ermite... Eloigné de tout, il ne se nourrissait que de racines et parfois par gourmandise de cresson. Avec ce régime, il n'a pas tardé à dépérir.
" Seigneurs, écoutez ce beau miracle. Alors qu’il était chez lui, en train de prier et d’adorer Dieu dans son abri de feuillage, Gilles vit une biche sauvage arriver à son ermitage. La biche qui était d’une très grande beauté vint directement à l’entrée de la fosse en suivant le sentier qu’elle avait trouvé. Elle passa à travers les branches et pénétra sans crainte à l’intérieur. Les pis gonflés de lait, elle alla se coucher aux pieds de Gilles et lui offrit ses services. Quand il vit la biche à ses pieds, Gilles fut rempli de joie, car il se doutait bien que c’était Dieu qui la lui avait envoyée. Durant tout le temps où il vécut loin du monde, il se nourrit du lait de la biche." G. Berneville (de) La vie de Saint Gilles.

Jacques de Voragine, dans la Légende Dorée (13ième siècle), dit lui que:
"... il s'enfonça dans un désert où trouvant un antre avec une petite fontaine, il rencontra une biche sans doute disposée par Dieu pour lui servir de nourrice, elle venait à des heures fixes l'alimenter de son lait."

Mais un jour le roi était à la chasse et il voulait ramener une biche. Il l'a vue, l'a pourchassée pendant plusieurs jours. Un de ses chasseurs l'a même atteinte d'une flèche, mais elle courait toujours... Elle a fini par se glisser dans un fourré. Lancés à sa poursuite les chasseurs y ont découvert un jardin miraculeux et la cabane de Saint Gilles : aux pieds du saint, était couchée la biche et la flèche était fichée dans le bras du saint. On ne dit pas comment a fini la biche mais le roi, ému, a offert à Saint Gilles une abbaye...
St Gilles est devenu, entre autres, le protecteur des nourrices. Il est invoqué contre la peur pour avoir protégé la biche.
Et, comme le dit, Brigitte Charnier dans sa thèse de littérature médiévale sur la complainte de La Blanche Biche ("Je suis fille le jour et la nuit blanche biche...", la blanche biche finissant rôtie sur la table de son chasseur de frère) :
"La christianisation du motif ayant évacué l’union amoureuse, la biche blessée, médiatrice de l’autre monde, favorise la fondation, non pas d’une lignée, mais d’un lieu sacré : une abbaye..."
Jacques de Voragine introduit la vie de Saint Gilles en disant du saint
"... il fut divin par l'amour qui assimile l'amant avec l'objet aimé"
Quand à Stendhal, à propos de sa mère, voici ce qu'il raconte :
" Un soir, comme par quelque hasard, on m'avait mis coucher dans sa chambre par terre, cette femme vive et légère comme une biche sauta par-dessus mon matelas pour atteindre plus vite à son lit ".
"Biche, oh, ma biche...", ça c'est une chanson de 1963 où la pudeur est peut-être encore plus grande puisque, de la biche, il ne reste plus que les yeux...

mercredi 30 juillet 2008

L'enfant de sable, roman, Tahar Ben Jelloun

Extrait:
"... Abbas était la crapule intégrale. Il baissait la tête et les yeux quand il s'adressait à l'autorité. Avec sa mère il entretenait une relation étrange. Il dormait souvent dans le même lit qu'elle, posant la tête entre ses seins. On dit qu'il n'avait jamais été sevré du sein, et que sa mère avait continué de l'allaiter jusqu'à un âge avancé, bien au delà de la puberté. Sa mère l'aimait avec violence. Elle le battait avec une canne cloutée et lui disait qu'il était son homme, son unique homme... "

Dans le roman il y a d'autres allusions plus érotiques et violentes, à des vieux (hommes ou femmes) qui têtent le sein d'une jeune femme mais sans allaitement...

dimanche 8 juin 2008

Le lait de l'ogresse dans la peau d'un de ses enfants

Le Conte s'appelle "le Chauve Pouilleux".
Il est raconté par le conteur Hamadi, conteur originaire du Rif marocain, qui vit et travaille depuis longtemps en Belgique et ailleurs.. Il dit l'avoir recueilli auprès de sa mère Khadidja Fares. Voir Bibliographie.
C'est l'histoire d'un héros qui se dissimule sous l'apparence d'un mendiant chauve et fouilleur d'ordure après être tombé amoureux de la 7ième fille du Roi (qu'il a sauvé de l'ogre). Sous sa vraie "apparence" il accomplit, "en mercenaire", les tâches extraordinaires que le Roi demande d'exécuter aux prétendants de ses 7 filles. En échange le héros leur demande des gages...
Une des épreuves est de rapporter du lait d'ogresse dans une outre faite de la peau d'un de ses enfants.
Le héros achète le plus gros des béliers, qu'il peut trouver, l'égorge , le dépèce et l'offre aux 6 enfants de l'ogresse en son absence. Il se cache et attend. Quand l'ogresse rentre, elle dit "que celui qui a fait cette offrande et qui a nourri mes enfants de la sorte soit lui même rassasié de ma reconnaissance. Si je pouvais payer ma dette, je lui offrirais de mon lait dans la peau même d'un de mes enfants s'il le demandait". Le jeune homme sort de sa cachette. Il dit : "Notre mère, l'ogresse, je suis celui-là. Paie ton dû en tenant ta promesse. L'ogresse dit: "Prends celui de mes fils qui est aveugle. Emmène là où le bruit de ses cris n'arrivera pas à moi. Tue-le. Reviens avec l'outre que tu auras confectionné de sa peau et je te la remplirai de mon lait". Il part, étrangle le petit de l'ogre, le dépèce, confectionne une outre à l'aide de sa peau et revient chez l'ogresse. Occupée à manger avec ses enfants, elle ne voit pas que le jeune homme la trait. Dès qu'il a rempli l'outre, il s'enfuit. Quand elle a fini, l'ogresse le cherche sans le trouver. Elle lui dit : "Va, ta vie est longue et ton destin sans embûches. Si je t'avais attrapé, de ton sang je n'aurais fait qu'une gorgée et de ton corps une bouchée."
Bien sûr le héros finit par se faire reconnaître et épouse la fille du Roi dont il est amoureux.
Questions :
- Dans les autres épreuves ce que doivent rapporter les gendres sont des aliments médicaments. Pour cette épreuve rien n'est précisé. Que va faire le roi du lait de l'ogresse ?
- Je comprends la ruse du héros ainsi : prise au piège de ses propres paroles l'ogresse essaie de gagner du temps en sacrifiant son enfant le plus faible. Le héros l'a compris , d'autant que si on se réfère aux autres contes (dans ce blog, cliquer sur "téter l'ogresse") celui qui boit le lait de l'ogresse devient son fils... Si le héros et le Roi gouttent au lait de l'ogresse, l'ogresse aura "gagné" 2 fils. Qu'en pensez vous ?

vendredi 30 mai 2008

Frida Kahlo : "L'Etreinte amoureuse de l'univers, la terre, moi, Diego et Monsieur Xolotl"


C'est un tableau qui date de 1949.
De la Terre s'échappe une goutte de lait.
Des yeux de Frida, des larmes.
Frida Kahlo tient dans ses bras son mari.
Certes, elle n'allaite pas mais quitte à déborder un peu du sujet et à parler d'étreinte amoureuse, cette façon de le peindre a le mérite du cosmique.
Le chien qui dort sur le bras de l'univers est le propre chien de Frida Kahlo. Son nom, Monsieur Xolotl vient d'un ancien dieu mexicain à tête de chien, gardien du royaume des morts.
Je vous encourage à aller en voir la reproduction, non pas dans un musée (il fait partie d'une collection privée à Mexico) mais dans le livre de la collection Palette, par exemple : Frida Kahlo, Une peinture de combat.
Il y a dans ce blog un autre tableau de Frida Kahlo, allez voir dans l'index ou les archives...

lundi 19 mai 2008

Quelqu'un regarde


Je lis une sorte de "soulagement" dans l'attitude de la jeune femme...
Tableau du 19ième siècle de François Xavier Fabre.
Image issue du fond photographique de la réunion des musées nationaux.

Les 7 oeuvres de Miséricorde du Caravage

C'est un tableau monumental (3,90 x 2,60) visible à l'Eglise de Pio Monte della Misericordia à Naples.
Les 7 oeuvres de misericorde corporelle que l'on doit accomplir sont (d'après St Mathieu) :
- Nourrir les affamés.
- Donner à boire aux assoiffés.
- Vêtir les dénudés.
- Héberger les sans-logis.
- Libérer les prisonniers.
- Visiter les malades.
- Ensevelir les morts (cette oeuvre sera rajoutée au XIIIème siècle).
Le Caravage semble en avoir une interprétation toute personnelle...
La reproduction est un peu petite mais (cliquez pour agrandir) en bas à droite, à côté des pieds du cadavre et du porteur de flambeau, il y a une femme allaitant (en douce ?) un homme dont on ne voit que la tête.
Qu'en pensez vous ? L'avez vous vu ? Connaissez vous d'autre tableaux du Caravage sur ce motif ?
Les 2 images proviennent livre "Caravage, la gloire d'un scélérat" de Gilles Lambert.

La Sagesse inspirant les Muses


C'est un dessin italien du 17ième siècle, issu du fond iconographique de la réunion des musées nationaux.

samedi 10 mai 2008

Rubens, l'Allégorie des tentations de la jeunesse


Un peu d'érotisme et d'humour...
Il semblerait que le "tenté"est le jeune homme qui reçoit une giclée de lait à distance avant de subir d'autres assauts ?

Frida Kahlo, "Ma nourrice et moi"


Ce qui est troublant et la rapproche de notre sujet c'est que, Frida Kahlo (1907-1954) se représente adulte (ou presque) en train de téter sa nourrice.
Il semblerait qu'à la période où elle a peint le tableau, elle venait de perdre un enfant (fausse couche) et sa mère.
Frida Kahlo collectionnait les ex-voto du XIXe siècle.
André Breton qualifia ce tableau de ruban autour d'une bombe.
"Ma nourrice et moi", peut être considéré aussi comme un double autoportrait : Frida accouchant d’elle-même. Son désir maternel inassouvi est un thème commun à plusieurs de ses œuvres.
Une page plus complète chez J.C Bourdais

vendredi 9 mai 2008

Rubens et Saint Augustin

C'est un tableau de Rubens qu'on peut voir à Madrid. Il date de 1616.
Entre le Christ et la Vierge il y a St Augustin... qui pour l'occasion semble avoir déposé sa mitre et sa crosse d'évêque.
Mais que se passe-t-il ?
Si quelqu'un peut m'expliquer la symbolique, je suis preneuse...

jeudi 1 mai 2008

Le bébé abandonné, conte Japonais

Conte populaire Japonais, recueilli et traduit par Maurice Coyaud

Jadis, il y avait un lettré nommé Chûjun. Sa femme mourut, jeune, lui laissant trois fils. Ces fils se marient et ont des bébés. Un jour le lettré réunit ses trois fils, leur parle sans témoins :
- Je deviens très vieux, mes dents sont toutes tombées, tout ce que je peux absorber désormais, c'est du lait, comme un bébé. Je voudrais savoir lequel de vous trois est le fils le plus pieux
L'aîné et le cadet crient :
- C'est moi. Nul de plus pieux que moi.
Le troisième ne dit rien. Le vieux dit alors :
- Je désire que la femme d'un d'entre vous abandonne son bébé et me laisse la téter à la place du blanc-bec.
L'aîné dit :
- Sûrement pas la mienne.
Et le cadet :
- Ni la mienne.
Le troisième dit :
- Des enfants, je pourrai en faire d'autres, mais je n'ai qu'un père irremplaçable. Ma femme lui donnera le sein, et nous abandonnerons le moutard.
Le père lui ordonne d'aller creuser un trou (pour y enterrer le moutard ?) dans un endroit fixé, au pied de trois pins. Le fils pieux creuse et trouve un trésor, récompense de sa piété filiale.

Personnellement je trouve ce récit d'une immoralité extraordinaire mais c'est la règle du jeu...

mercredi 23 avril 2008

Téter l'ogresse

A quel âge est-on adulte ?
Si 17 ans suffit, les extraits de contes ci dessous ont leur place sur ce blog.
Sinon, en attendant d'avoir de "vrais" adultes cela nous aidera peut-être à trouver d'autres pistes... Remarque : j'ai trouvé un conte où c'est une fille l'héroïne mais pour ce blog, elle est encore un peu jeune. Merci Michelle pour avoir entrouvert la porte !

Conte marocain (résumé)
C’était une pauvre veuve seule avec 7 enfants… Au début de chaque saison hivernale, l'ogresse Tériel faisait irruption chez la veuve et lui tissait sept couvertures de laine.Au bout de la septième année, alors que l'aîné des enfants avait atteint dix-sept ans, Tériel réapparut un soir d'hiver, comme de coutume. Elle annonça à la veuve : « Voilà sept ans que je t'aide à protéger ta progéniture des morsures du froid. Aujourd'hui je suis revenue te demander de m'offrir ton fils aîné afin de t'acquitter de ta dette »... La veuve saisit enfin la fausse générosité qui avait motivé l'ogresse durant toutes ces longues années…. La pauvre femme réfléchit un peu et pensa que, si elle refusait à l'ogresse ce qu'elle exigeait d'elle, celle-ci se fâcherait et serait capable d'avaler toute la famille. Elle se résolut alors à sacrifier son fils aîné, qui était pourtant son préféré. Elle alla le voir et lui dit à voix basse : « Mon fils, toi la première perle de mon collier de vie, tu dois accompagner l'ogresse chez elle ! Je pense qu'elle projette de te dévorer, mais il existe un moyen pour la contrarier et la faire tomber dans l'interdit, expliqua la mère. Dès qu'elle s'apprêtera à t'emmener avec elle, empresse-toi de lui téter le sein, tu deviendras ainsi son fils et même une ogresse ne peut dévorer son enfant » Il suivit les recommandations de la veuve. Surprise et dépassée par l'événement, l'ogresse se mit en colère et s'adressa à lui : « Petit misérable ! Tu m'as eue ! Mais je te prendrai malgré tout avec moi. » L'ogresse plongea le jeune homme dans son sac, le mis sur son dos … Et non, elle ne le mangea pas ! Il épousa même une princesse….

Conte d’Ali, résumé d’après Driss Chraïbi, conte du Maghreb
Il était un sultan qui avait épousé 7 femmes. Elles enfantèrent donnant naissance à des garçons. Elles les élevèrent jusqu’à ce qu’ils fussent grands. Le plus jeune d’entre eux s’appelait Ali. Cet Ali était très fort ; nul ne le surpassait dans tout le monde. Il aimait beaucoup la chasse et y allait chaque jour. Un jour le père dit à ses sept garçons : « celui qui égorgera sa mère est mon fils. Aucun autre n’est mon fils ». Ils allèrent trouver leur mère, et chacun égorgea la sienne. Quand à cet Ali, le plus petit d’entre eux, il se rendit chez sa mère en soupirant. Sa mère s’approcha et lui dit : « que t’arrive-t-il mon fils ? »
-Mère, c’est mon père qui nous a dit : égorgez vos mères ; alors les autres les ont égorgées. Il ne reste plus que moi qui ne t’ai pas égorgée.
- Mon fils, si tu veux, égorge-moi.
-O mère, je te jure devant Dieu de n e pas t’égorger.
- Que Dieu te bénisse, O mon fils.
La mère et le fils quittèrent le village pour s’installer ailleurs. Ali, tous les matins, part à la chasse. Un jour il voit une maison, entre et découvre que l’ogresse y habite. Elle l’accueille aimablement. Ali fait le geste de saisir le sabre pour se défendre, l’ogresse le rassure et lui propose de téter son sein ; Elle le nomme son fils. Une relation se crée entre eux, tous les jours Ali va chasser et lui apporte une partie de son butin. La mère ne sait rien de tout cela. Elle n’est plus intéressée par son fils, elle ne l’aime plus, elle désire seulement trouver un mari. Elle le trouve en la personne d’un ogre à qui elle demande de manger son fils. Ali exprime un dernier vœu, que ses os soient mis sur son cheval et que l’on dise au cheval d’aller là où il a l’habitude d’aller. La mère refuse mais l’ogre promet. Et il réalise la promesse. Les os sont ramenés à l’ogresse qui leur redonnera vie peu à peu.

samedi 19 avril 2008

Diderot , Lagrenée, Bachelier

Quand Diderot regardait les "Charités Romaines" des peintres de son temps...
Extrait de Littérature et pathologie, sous la direction de Max Milner. Presses Universitaires de Vincennes. 1989

Diderot est ici exemplaire : il a, pour son époque, une formation médicale approfondie (une de ses premières entreprises fut la traduction d'un dic­tionnaire de médecine), et elle se trahit dans nombre de ses œuvres....... Au Sujet de la Charité Romaine de Lagrenée :

"Le vieillard est beau, trop beau certainement, il est trop frais; plus en chair que s'il avait eu deux vaches a son service. Il n’a pas l'air d'avoir souffert un moment, et si cette femme n’y prend garde, il finira par lui faire un enfant..."

Au Salon de 1765, une autre Charité romaine, de Bachelier, aurait pu ré­pondre à l’idéal d' « humanité pathétique » souhaité par Diderot. Qu'en advient-il ?

"Vous avez voulu que votre vieillard fût maigre, sec et décharné, moribond, et vous l’avez rendu hideux à faire peur: la touche extrêmement dure de sa tête, ses os pro­éminents, ce front étroit, cette barbe hérissée lui ôtent la figure humaine, son cou, ses bras, ses jambes ont beau réclamer, on le prend pour un monstre, pour l’­hyène, pour tout ce qu’on veut, excepté un homme..."

mercredi 16 avril 2008

L'image de la Sainte Vierge, Gervais de Tilbury

Dans le Livre des Merveilles composé par Gervais de Tilbury au début du XIIIième siècle, voici ce que j'ai trouvé, même s'il n'y a pas d'allaitement direct...
" Ainsi en Basse-Syrie, dans la province de Damas, il y a, au pouvoir des païens, une église appelée Notre Dame de Sardenaï; il s'y trouve une icône représentant l'image de la très Sainte Vierge, avec un sein de chair fait par miracle divin qui donne, au lieu de lait, une huile bonne pour soigner les malades..."
Cette icône est mentionnée depuis 1175. Sa réputation miraculeuse en fit un grand lieu de pélerinnage des Croisés.

vendredi 11 avril 2008

La fille qui allaite son père, Grèce (Lesbos)

Ce conte nous a été indiqué par notre amie Isabelle et figure dans le recueil de Muriel Bloch "365 contes de la tête aux pieds" et dans "le Folklore de Lesbos " aux éditions Maisonneuve et Larose. Je le recopie intégralement (dans le recueil de Muriel Bloch).

"Un roi avait condamné à mourir de faim son ministre qui avait commis un crime.
La fille du ministre vint trouver le roi, les larmes aux yeux, et le pria de lui donner l'autorisation d'entrer une fois par jour dans la prison pour consoler son père, promettant de ne point lui porter de vivres.
La bonne fille, mère d'un enfant, avait sevré son enfant et gardait son lait pour nourrir son père chéri. C'est ainsi que le condamné vivait dans la prison, à l'étonnement des gardes et du roi. Enfin, la bonne fille se présenta au roi qui à ce moment, était à cheval. Le cheval n'était pas né; on l'avait tiré du ventre de sa mère qu'on avait tuée deux jours avant de mettre bas. La selle de ce cheval était faite de la peau de la mère.
Alors la fille dit au roi :
"Le roi est sur un animal qui n'est pas né, et sur la mère de celui-ci. Expliquez-moi cette énigme ou rendez-moi mon fils!"
C'était son père qu'elle allaitait, qu'elle appelait ainsi"

Pour une autre version grecque, mais du Péloponèse, cliquez ici !

dimanche 6 avril 2008

Gwerz de Santez Henori, 1863

Voici la traduction d'un Gwerz (complainte) recueilli par Luzel auprès d'Anne Salic, vieille mendiante, à Plouaret, en 1863.
Versions intégrales en Breton, en Français et musique sur une page internet perso :
SAINTE HENORI
Un gwerz, c'est long ! L'extrait ci dessous n'est que le premier épisode d'une longue histoire : Henori survivra et sera maltraitée par sa belle mère avant d'être vengée par son mari...

Ecoutez tous, et vous entendrez /Un gwerz nouvellement composé;/C'est à sainte Henori qu'il est fait./ Jamais son père ne l'a supportée,/Jamais il ne lui a désiré de bien ;/Il n'a fait que la chasser de son pays,/Et la priver de ses biens.
Mais hélas! il est tombé malade,/Et la maladie le malmène;/Et les prophètes lui disent/Que s'il tette un sein vierge, il sera guéri;/S'il tette un sein vierge, il sera guéri,/S'il appartient à une de ses filles.....
Le roi de Brest disait/Un matin :/- Je vais trouver ma fille aînée,/C'est celle-là que j'aimais la première/
- Bonjour à vous, ma fille aînée,/C'est vous que j'aimais la première./Je suis en proie à une maladie,/Et les prophètes me disent/Que si j'avais le lait d'un sein vierge, je serais guéri,/S'il appartenait à une de mes filles. -
- En cela, mon père, je ne puis vous secourir/En autre chose, je ne dis pas,/En toute autre chose je vous secourrai,/Sans nuire à mon corps ni à mes biens.
Je vais trouver ma fille cadette,/C'est celle-là que j'aimais le plus:/Bonjour, ma fille cadette,/C'est vous que j'aimais le plus./Je suis en proie à une maladie,/Et les prophètes ...
En cela, mon père, je ne puis vous secourir,...
- Je vais trouver ma fille Henori,/Jamais je ne lui ai désiré de bien;/Je n'ai fait que la chasser de son pays,/Et la priver de ses biens./Le roi de Brest disait,/En arrivant chez Henori/- Bonjour à vous, ma fille de Dieu. /- Et à vous aussi, mon père roi ! /- Je suis en proie à une maladie,/Et les prophètes me disent ...
- Que le Seigneur Dieu soit béni,/Puisque vous êtes obligé de recourir à moi, mon père!/Mettez-vous à genoux,/Je vais délacer ma poitrine./Aussitôt qu'elle eut délacé sa poitrine,/Son sein a été mordu par un serpent;/Et elle a poussé un cri./Henori est sur son lit,/Et personne ne la console;/Si ce n'est son père le roi, celui-là le fait./
Consolez-vous, Henori, ne pleurez pas,/Quand vous serez guérie, vous serez mariée;/Quand vous serez guérie, je vous marierai/Au plus beau fils de baron du pays.

Idylle, nouvelle de Maupassant, 1884

Voici des extraits de cette magnifique nouvelle que l'on peut trouver en ligne.

Le train venait de quitter Gênes, allant vers Marseille et suivant les longues ondulations de la côte rocheuse, glissant comme un serpent de fer entre la mer et la montagne, rampant sur les plages de sable jaune que les petites vagues bordaient d'un filet d'argent, et entrant brusquement dans la gueule noire des tunnels ainsi qu'une été en son trou.
Dans le dernier wagon du train, une grosse femme et un jeune homme demeuraient face à face, sans parler, et se regardant par moments. Elle avait peut-être vingt-cinq ans; et, assise près de la portière, elle contemplait le paysage. C'était une forte paysanne piémontaise, aux yeux noirs, à la poitrine volumineuse, aux joues charnues

Elle était mariée; elle avait déjà trois enfants laissés en garde à sa soeur, car elle avait trouvé une place de nourrice, une bonne place chez une dame française, à Marseille.
Lui, il cherchait du travail. On lui avait dit qu'il en trouverait aussi par là, car on bâtissait beaucoup
...

Le sein de droite apparut, énorme, tendu, avec sa fraise brune. Et la pauvre femme geignait : "Ah ! mon Dieu ! ah ! mon Dieu ! Qu'est-ce que je vais faire ?"
Le train s'était remis en marche et continuait sa route au milieu des fleurs

Le jeune homme, troublé, balbutia : "Mais... madame... Je pourrais vous... vous soulager."
Elle répondit d'une voix brisée : "Oui, si vous voulez. Vous me rendrez bien service. Je ne puis plus tenir, je ne puis plus."
Il se mit à genoux devant elle; et elle se pencha vers lui, portant vers sa bouche, dans un geste de nourrice, le bout foncé de son sein. Dans le mouvement qu'elle fit en le prenant de ses deux mains pour le tendre vers cet homme, une goutte de lait apparut au sommet. Il la but vivement, saisissant comme un fruit cette lourde mamelle entre ses lèvres. Et il se mit à téter d'une façon goulue et régulière.
Il avait passé ses deux bras autour de la taille de la femme, qu'il serrait pour l'approcher de lui; et il buvait à lentes gorgées avec un mouvement de cou, pareil à celui des enfants.
Soudain elle dit : "En voilà assez pour celui-là, prenez l'autre maintenant."
Et il prit l'autre avec docilité.
Elle avait posé ses deux mains sur le dos du jeune homme, et elle respirait maintenant avec force, avec bonheur, savourant les haleines des fleurs mêlées aux souffles d'air que le mouvement du train jetait dans les wagons.
Elle dit : "Ça sent bien bon par ici."
Il ne répondit pas, buvant toujours à cette source de chair, et fermant les yeux comme pour mieux goûter.
Mais elle l'écarta doucement :
En voilà assez. Je me sens mieux. Ça m'a remis dans le corps."
Il s'était relevé, essuyant sa bouche d'un revers de main.
Elle lui dit, en faisant rentrer dans sa robe les deux gourdes vivantes qui gonflaient sa poitrine:
"Vous m'avez rendu un fameux service. Je vous remercie bien, monsieur."
Et il répondit d'un ton reconnaissant :
"C'est moi qui vous remercie, madame, voilà deux jours que je n'avais rien mangé !"

samedi 5 avril 2008

Origine du riz, légende chinoise

Dans cette légende, certes les humains n'ont pas tété le sein de la déesse, mais ils en ont bien profité quand même...
"Jadis on ne connaissait pas le riz. On se nourrissait de fruits et de gibier. Les plants de riz étaient bien là mais les épis étaient vides.
Un jour, la déesse Guanyin vit combien l'humanité avait du mal à se nourrir. Débordant de compassion, elle se décida à les aider. Un soir, elle se glissa furtivement dans les rizières, et pressa son sein d'une main : le lait coula dans les épis de riz. Elle les pressa jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de lait. Tous les épis n'étaient pas encore pleins. Elle pressa ses seins avec encore plus de force : une mixture de sang et de lait en sortit. Dès lors les épis furent pleins, l'homme eu du riz à mâcher. Les grains blancs proviennent du lait, les grains rouges proviennent du sang de Guanyin."
Conte Han, traduit et annoté par Maurice Coyaud dans "Contes des Peuples de la Chine" (voir bibliographie).
Maurice Coyaud dit que la déesse Guanyin est le dieu compatissant hindou Avalokitesvara, devenu déesse en arrivant à pied par la Chine... Elle est souvent représentée avec onze visages et mille bras avec un oeil dans chaque paume...
Autres noms de la déesse androgyne : Kuan-yin, Kannon en sino-japonais.
D'autres pistes à explorer ?

samedi 22 mars 2008

Trois gouttes de lait, amour et magie

Voici une version de cette légende racontée par Henri Gougaud dans La Bible du Hibou. Je vous la résume :
Quartier St Michel à Paris, un Napolitain tombe amoureux d’une belle cordonnière. Mais la cordonnière est mariée et vertueuse.
Le Napolitain va voir un sorcier du voisinage
qui lui dit, je cite Henri Gougaud : « Si tu veux rendre une femme amoureuse, sache que tu dois d’abord obtenir d’elle trois gouttes de lait de son sein. Après quoi tu les boiras en récitant telle invocation que je vais t’apprendre. Alors, foi de docteur, la demoiselle te courra aux trousses et ne te quittera plus, où que tu la conduises »
Le Napolitain envoie un gamin acheter, pour dix écus, son lait à la cordonnière. Elle commence par refuser
mais son mari lui conseille de donner le lait de la chèvre à la place.
Le Napolitain boit le lait, récite les formules magiques et chez la cordonnière la chèvre commence à s’agiter, puis s’échappe, fonce jusqu’à la maison du Napolitain, le renverse, lui lèche la barbe... Pour le délivrer il a fallu tuer la chèvre.

Henri Gougaud citant ses sources c'est-à-dire Pierre de L’Estoile (1546-1611), j’ai trouvé sur internet dans le Mémoire de Pierre de l’Estoile, une version plus ancienne que voici :
« En ce mesme mois et an, à sçavoir le 20 decembre, advinst qu'un Neapolitain, amoureux desesperement d'une cordonniere
demeurante au bout du pont Saint-Michel à Paris, qu'on nommoit la belle Cordonniere, lui envoia demander trois gouttes de son laict, pour ce qu'elle estoit nourisse, pour un mail d'œil qu'il disoit avoir ; lui envoiant quant et quant dix escus, qu'elle prist trés bien par la permission de son mari, lequel aiant une chevre s'avisa d'en faire tirer du laict, dont il en envoia trois gouttes au Neapolitain, lui faisant entendre que c'estoit du laict de sa femme. Lui, tout joyeux, pensant accomplir son mistere (qui estoit de rendre la cordonniere si amoureuse de lui qu'elle courroit aprés et le viendroit chercher, quelque part qu'il fust), rendist, avec ses chermes qu'il fist sur les trois gouttes de laict qu'on lui avoit envoié, cette chevre si amoureuse, que commençant à sauter et tempester, s'eschapa enfin du logis de son maistre ; et trouvant cet Hespagnol au corps de garde des Neapolitains, lui sauta incontinent au col, le baisa, et lui fist mille caresses. La fin de ceste farce fust la mort de la pauvre chevre, la fuite du Neapolitain, qu'on vouloit faire brusler ; et dix escus qui demeurerent pour gage au pauvre cordonnier, qui en avoit bien affaire. »

La sagesse nourrit les sages au sein

Voici ce que j'ai trouvé dans l'Encyclopédie des Symboles. Edition Française sous la direction de Michel Cazenave.
C'est une miniature du XVième siècle.

mardi 18 mars 2008

Las Casas

Extrait du roman de Jean François Marmontel, « Les Incas ou la destruction de l’empire du Pérou », écrit en 1777 .

«... Barthelemi achevoit à peine, lorsque le jeune Davila revint, suivi du Cacique, qu'une Indienne accompagnoit. Henri, (c'étoit le nom de ce Héros Sauvage) se précipite avec transport sur le lit de Las-Casas, & lui baisant mille fois les mains avec un attendrissement inexprimable: "0 mon père, dit· il, mon pere! je te revois. Qu'il me tardoit! Mais je te revois souffrant; & ta main brûle sous mes levres! Mes freres, tes enfans, allarmés de ton mal, sont venus affliger mon ame. Je n'ai pu résister à l'impatience de te voir. Si j'étois pris, je sais ce qui m'attend; mais j'ai voulu m'y exposer pour venir embrasser mon pere. Ecoute, ajouta le Sauvage, en soulevant sa tête, ils disent
que tu es attaqué d'une maladie à laquelle le lait de femme est salutaire. Je t'amene ici ma compagne. Elle a perdu son enfant; elle a pleuré sur lui; elle a baigné du lait de ses mamelles la poussiere qui le couvre; il ne lui demande plus rien. La voilà. Viens, ma femme, & présente à mon pere ces deux sources de la santé. Je donnerois pour lui ma vie; & si tu prolonges la sienne; je chérirai jusqu'au dernier soupir le sein gui l'aura allaité". Barthelemi, les yeux attachés sur Pizarre, jouissoit de l'impression que faisoit sur le coeur du Castillan la bonté du Cacique; le jeune Davila, présent, versoit de douces larmes; & l'Indienne, d'une beauté céleste, & d'une modestie encore plus ravissante, regardant Las-Casas d'un oeil respectueux & tendre, n'attendoit qu'un mot de sa bouche pour y porter son chaste sein. Las-Casas, pénétré jusqu'au fond de l'ame, voulut refuser ce secours. "Ah, cruel! s'écria le Cacique, dis·nous donc, si tu veux mourir, quel est l'ami que tu nous laisses. Tu le sais, nous n'avons que toi pour consolation, pour espoir. Si tu nous aimes, si tu nous plains, & si je te suis cher moi-même, accorde-moi ce que je viens te demander, au péril de ma tête, au milieu de mes ennemis. Viens, ma femme, embrasse mon pere; & que ton sein force sa bouche à y puiser la vie". En achevant ces mots, il prend sa femme dans ses bras, & l'ayant fait pencher sur le lit de Las-Casas: "Adieu, mon pere, lui dit- il. Je laisse auprès de toi la moitié de moi-même; & je ne veux la revoir que lorsqu'elle t'aura rendu à la vie & à notre amour". Cette jeune & belle Indienne, à genoux devant Las-Casas, lui dit à son tour: "Que crains-tu, homme de paix & de douceur? Ne suis-je pas ta fille? n'es-tu pas notre pere? Mon bien-aimé me l'a tant dit! Il donneroit pour toi son sang. Moi, je t'offre mon lait. Daigne puiser la vie dans ce sein que tu as fait tressaillir tant de fois, lorsqu'on me racontoit les prodiges de ta bonté". Trop attendri pour rejeter une priere si touchante, trop vertueux pour rougir d'y céder, le Solitaire, avec la même innocence que le bienfait lui étoit offert, le reçut; il permit à la jeune Indienne de ne plus s'éloigner de lui; & ce fut à la piété de Henri & de sa compagne, que la terre dut le bonheur de posséder encore long-temps cet homme juste..."

Musée virtuel de l'allaitement

Le Le Musée Virtuel de l’Allaitement, la Thélasmothèque, existe, je l’ai trouvé :
www.telasmos.org/frances
39 reproductions de tableaux ou d’illustrations sont référencées lorsque l'on recherche « allaitement adultes » dont :
· Deux (un petit sujet en terre cuite pour orner les bonzaïs et une estampe) concernant la piété filiale en Chine : la jeune femme allaite sa belle-mère. Un classique du Confucianisme, disent-ils…
· Un timbre Roumain pour vanter l’assistance sociale,
· Les « lactatio » de St Bernard de Clairvaux éparpillées un peu partout en Espagne et même à Dijon…
· Bill et Monica
· Une carte postale d’une sculpture de Alfred Boucher à Nogent sur Seine (début du XXième siècle)... Est-elle encore visible à Nogent ?
· Des illustrations d’un roman sur Las Casas de 1777.

St Bernard de Clairvaux 1090-1153


Tableau du peintre Cano (1650) visible au Musée du Prado à Madrid.
"... Le sein généreux de la vierge se trouve illustré dans l'épisode du miracle de la lactation de St Bernard de Clervaux
, qui eut lieu à Châtillon sur Seine... St Bernard était en prière devant une statue de la Vierge et quand il prononça " Monstra te esse matrem ", la statue devint vivante et la Vierge lança du lait dans la sainte bouche".
C'est une citation de la page internet jubilatoire dont nous conseillons la visite :
http://www.jcbourdais.net/journal/15mai06.php
Sur le site du Musée Virtuel de l'allaitement, on peut trouver plusieurs reproductions de tableaux, gravures etc représentant cette scène dont les originaux peuvent se voir à Madrid (Musée du Prado), Valence, Mallorca, St Jacques de Compostelle, dans la province de Guadalajara et à... Dijon !
Il est à noter que pressant son sein d'une main elle tient son fils sur l'autre bras. Il paraitrait qu'il y ait d'autres "cas" d'allaitement par la Vierge d'adultes, soit pour les récompenser, soit pour les guérir. De cette façon ils deviennent ses fils et les frères du Christ...
En Belgique, dans l'église paroissiale de Marche les Dames, près de Namur, il y a aussi un tableau qui représente la scène : le petit Jésus (déjà grand) regarde ailleurs, on ne voit pas le lait et elle semble se presser le sein à travers son vêtement... La reproduction est mauvaise, il faudrait aller voir sur place... Les auteurs du site sur cette église disent que St Bernard avait, aussi, soif d'avoir trop chanté... e qui n'est pas sans rappeler Saint Fulbert de Chartres.

dimanche 16 mars 2008

Chateaubriand

"Chateaubriand s'inspirant d'une coutume indienne, mentionne dans les Natchez cet usage d'épancher le lait maternel sur la sépulture d'un enfant mort : " La mère qui avait couché l'enfant sous l'herbe au bord du chemin, vint à minuit apporter des dons nouveaux et humecter de son lait le gazon de la tombe. "
Extraits de Le sein dévoilé du Docteur Gros, éditions Stock- Laurence Pernoud

Le Mammerlokker de Gand


Le fronton de l'ancienne prison communale de Gand, en Belgique, est orné d'une sculpture dénommée le Mammeloker ce qui signifie le " suçoteur de sein " ; elle représente un vieillard allaité par une jeune fille et la tradition locale relate une histoire comparable à celle de Cimon et Péra.

Le Roi David

" 1 Et le roi David était vieux, avancé en âge ; et on le couvrait de vêtements et il ne se réchauffait pas.
2 Et ses serviteurs lui dirent : Que l'on cherche pour mon seigneur le roi une jeune fille vierge ; qu'elle se tienne devant le roi et le soigne, et qu'elle dorme dans ton sein, et mon seigneur le roi se réchauffera.
3 Et on chercha dans tout le pays d'Israël une jeune fille qui fût belle, et on trouva Abisag, la Sunamite, et on l'amena au roi.
4 Et cette jeune fille était fort belle, et elle soigna le roi et le servit; mais le roi ne la connut point."
La Bible, Livre des Rois

Pas de trace de sein féminin, là dedans ? Pas sûr...

"Certes depuis le roi David et la belle Abisag, chacun sait que la vue et le contact d'un joli sein, en dehors du lait qu'il procure, ne peuvent être que favorables à la régénération d'une vieillesse décrépite ou d'adultes asthéniques ; Dans les ouvrages anciens qui traitent de l'allaitement des adultes, il est souvent fait mention d'un certain jeune homme très affaibli, qui fut retiré de cet état en passant ses jours et ses nuits auprès d'une nourrice de vingt ans. L'effet du remède fut si prompt que bientôt on eut à craindre de voir le convalescent perdre de nouveau ses forces avec la personne qui les lui avait rendues. L'anecdote avait surtout valeur d'avertissement."
Extraits de Le sein dévoilé du Docteur Gros, éditions Stock- Laurence Pernoud

Prescription Médicale

"L'allaitement des adultes symbolise le mythe de l'éternelle jeunesse puisée dans le corps de la femme. Sucer le lait féminin, c'est s'approprier le substantifique moelle et ses éléments mystérieux qui, à eux seuls, peuvent prolonger la vie.
L'allaitement des vieillards ou des adultes affaiblis a été jusqu'au 18e siècle, une prescription médicale qui n'était i rare ni réprouvée. Dans son Essai sur le lait, paru en 1786, le docteur Petit-Radel signale comme seul inconvénient à cette pratique la nécessité de disposer de plusieurs nourrices ; chose surprenante pour nos esprits, il mentionne l'usage du beurre fait à partir de lait de femme et vendu pour les phtisiques par les apothicaires de l'époque. Voici cinquante ans à peine, en Chine, les seigneurs féodaux achetaient couramment du lait de femme pour leur propre usage. Dans ce même pays, on enseignait à titre éducatif l'histoire de cette femme qui allaitait sa belle-mère vieille, édentée, incapable de manger un grain de riz et qui préserva ainsi pendant des années sa vie et sa santé. Au début de ce siècle fut souvent illustrée l'histoire de la cantinière charitable qui allaitait de son sein les soldats blessés ou affaiblis. Un compagnon de Christophe Colomb, Las Casas, gravement malade, dut la vie au lait d'une Indienne. Le duc d'Albe, vieux et mal en point, avait deux nourrices dont il suçait le lait matin et soir."
...
"
Dans toutes ces histoires, chacun pressent que la vie et la force ne sont pas seulement transmises par le breuvage féminin. Le lait devient la panacée de l'homme affaibli, des femmes âgées ou du vieillard cacochyme, à condition d'être donné à même le sein, ainsi que le conseillaient toujours les anciens médecins qui prescrivaient un tel remède."

Extraits de Le sein dévoilé du Docteur Gros, éditions Stock- Laurence Pernoud

samedi 15 mars 2008

Piété filiale, Charité Romaine

Extraits de Le sein dévoilé du Docteur Gros, éditions Stock- Laurence Pernoud

La vie en société enseigne que l'enfant ne doit pas prolonger sa relation au sein, car la frontière devient vite floue entre nutrition et érotisme. Dans la même perspective, l'homme adulte ne doit pas sucer le lait à sa source. Pourtant, l'histoire, l'art et l'ethnologie montrent que les seins gorgés de lait ne sont pas toujours le privilège exclusif des nourrissons. Mais seules les nécessités de la physiologie, parées de la noblesse des intentions, peuvent justifier l'allaitement des adultes.
Ainsi est née la légende antique de *Cimon et Péra, rapportée par Pline l'Ancien et qui se retrouve sous des formes variables, dans de nombreuses civilisations.
Un vieil homme, Cimon, avait été condamné à mourir de faim dans sa prison. Le geôlier par compassion, laissa pénétrer la fille de celui-ci, Péra.
S'étonnant qu'après quelques jours le vieillard soit encore en vie, il s'aperçut lors que s fille le nourrissait de son lait. La nouvelle de cet acte surprenant parvint aux juges qui, devant cet acte de dévouement et d'amour filial, accordèrent la grâce au vieil homme. D'après Pline, l'endroit de la prison, on construisit un temple consacré à l'amour filial, devant lequel on éleva une colonne qui fut nommée la " colonne du lait ", et au bas de laquelle on exposa par la suite les enfants trouvés. Ce lieu devint le " marché aux nourrices ".

La légende inspira de nombreux peintres du 17e siècle européen. Les tableaux étaient désignés du nom de Charité Romaine ou Piété Filiale. Donner le sein à son père exprime la miséricorde et le dévouement ; c'est une victoire sur soi-même et sur la transgression de la loi qui interdit tout contact charnel entre un père et sa propre fille . La transgression est sanctifiée par l'amour et prend appui sur le texte de Saint Matthieu : " Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ". Cette légende fut abondamment représentée. Plus de 200 œuvre sont actuellement répertoriées, signées par Rubens, Le Brun, Vouet, Caravage et tant d'autres.

L'histoire de Cimon et Péra tint lieu d'allégorie de la charité agissante.
Le thème s'intégrait dans la réalité historique, sociale et religieuse de l'époque. Le 17e siècle a en effet engendré la vogue des activités de bienfaisance. Les institutions caritatives se sont multipliées ; de riches particuliers encouragés par le clergé et Saint Vincent de Paul se consacrèrent l'assistance des pauvres. La doctrine de la charité fut affirmée avec force par un catholicisme redevenu conquérant et répondant à l'enseignement des protestants, qui déniaient aux bonnes œuvres la capacité de participer au salut de l'homme. Dans une telle idéologie, donner son sein devenait le symbole de la charité et du don fait à autrui, aux pauvres et aux affamés.


Précédents Romains, Valère Maxime


Première surprise : le récit que l'on nous a indiqué comme référence, du moins le plus détaillé, parle d'une fille qui allaite .... sa mère et non son père...

VALÈRE MAXIME , ACTIONS ET PAROLES MÉMORABLES, Livre V
( Vers 30 apr. J.-C. )
(P. Constant, Valère Maxime, Actions et paroles mémorables, Paris, 1935 ).
http://webu2.upmf-grenoble.fr/Haiti/Cours/Ak/Francogallica/Valere5_fran.htm

Extraits :
7. – Pardonnez, foyers antiques ; feux éternels, ne vous offensez pas si le fil de mon ouvrage me conduit de votre sanctuaire auguste dans un lieu lugubre, mais nécessaire. La fortune n'a point de rigueurs, point d'avilissement qui dégrade un tendre amour filial ; et même l'épreuve est d'autant plus sûre que la conjoncture est plus cruelle. Une femme d'une condition libre, convaincue d'un crime capital au tribunal du préteur, fut renvoyée par celui-ci au triumvir, pour être mise à mort dans la prison. Le geôlier, touché de compassion, n'exécuta pas aussitôt l'ordre qu'il avait reçu ; il permit même à la fille de cette femme l'entrée de la prison, après l'avoir soigneusement fouillée, de peur qu'elle n'apportât quelque nourriture : il se persuadait que l'infortunée ne tarderait pas à expirer de besoin. Voyant que plusieurs jours s'étaient déjà écoules, il cherchait en lui-même ce qui pouvait soutenir si longtemps cette femme. A force d’observer la fille, il la surprit, le sein découvert, allaitant sa mère, et lui adoucissant ainsi les horreurs de la faim. La nouvelle d'un fait si surprenant, si admirable, parvint du geôlier au triumvir, du triumvir au préteur, du préteur au conseil des juges, qui fit grâce à la mère en considération de la fille. Où ne pénètre point la piété filiale ? Combien n'est pas ingénieux un amour qui trouve un expédient si nouveau pour sauver la vie à une mère dans la prison même ! Est-il rien de si rare, de si extraordinaire, que de voir une mère alimentée du lait de sa fille ? Cette action paraîtrait contraire à la nature, si la première loi de la nature n'était pas d'aimer les auteurs de nos jours.

1. – Nous devons les mêmes éloges à Péro. Également pénétrée d'amour pour Cimon son père, qui était fort âgé et qu'un destin semblable avait pareillement jeté dans un cachot, elle le nourrit en lui présentant son sein comme à un enfant. Les yeux s'arrêtent et demeurent immobiles de ravissement à la vue de cette action représentée dans un tableau ; l'admiration du spectacle dont ils sont frappés, renouvelle, ranime une scène antique : dans ces figures muettes et insensibles, ils croient voir des corps agir et respirer. Les lettres feront nécessairement sur l'esprit la même impression : leur peinture est encore plus efficace pour rappeler à la mémoire, pour retracer comme nouveaux les événements anciens.

2. – Je n'oublierai pas non plus, illustre Cimon, ta tendresse, pour ton père, toi qui n'hésitas pas à lui acheter la sépulture au prix d'un emprisonnement volontaire. A quelque grandeur que tu sois parvenu depuis, et comme citoyen et comme général, tu t'es fait plus d'honneur encore dans la prison que dans les dignités. Car les autres vertus ne méritent que beaucoup d'admiration ; la piété filiale mérite, de plus, tout notre amour. (Av. J.-C. 490.)

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